- Pourquoi changer d'échelle ?
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L'observation au microscope optique
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L'observation au microscope électronique
Pourquoi changer d'échelle ?

La minéralogie fait partie intégrante des Sciences de la Terre et le géologue s’intéresse donc aux minéraux pour comprendre la formation des roches, étant elles-mêmes des assemblages de minéraux. Le changement d’échelle est extrêmement important dans ce contexte car les processus géologiques jouent sur toutes les échelles, du kilomètre à l’atome. Le géologue n’étant pas un super-héros, il fait appel à des instruments pour percer les mystères de la minéralogie aux échelles autres que celles accessibles par ses simples yeux. Nous allons suivre une diminution des échelles d’étude des minéraux et voir leur pertinence pour le travail du géologue.
L'observation de terrain à l’œil nu
Le travail du géologue démarre souvent sur le terrain en observant des structures, des roches et des minéraux comme illustré dans la série d’images ci-dessous.

Dans un granite déformé (orthogneiss), nous pouvons voir deux veines de quartz blanches. L’une d’entre elles est plissée et l’autre est rectiligne. Cela permet de comprendre que la veine plissée est plus ancienne que celle qui la recoupe.

Cet affleurement de roches âgées de 2,6 milliards d’années montre une transition majeure entre des éruptions sous-marines, marquées par les structures circulaires (laves en coussins) et des éruptions aériennes correspondant au niveau verdâtre sans structure visible en bas de l’image.


Cette image montre l’apparition de grenat (« taches » rouges brunes) et de feldspath (couronne blanche) suite à une réaction à l’état solide (métamorphisme) qui se produit lorsque les roches sont soumises à des pressions et températures élevées.
L'observation de roches à l’œil nu
Pour aller plus loin dans sa compréhension des processus géologiques, le géologue échantillonne des roches qu’il étudie en laboratoire. Cela commence par la reconnaissance des minéraux la constituant afin de nommer la roche. Le géologue peut aussi faire cela sur le terrain mais comme nous allons le voir ce n’est pas toujours faisable.


Dans la roche magmatique ci-contre, tous les minéraux sont petits mais bien visibles et identifiables à l’œil nu. Il s’agit de pyroxène (noir) et de feldspath (gris) dont les relations spatiales au sein de la roche sont aussi visibles à cette échelle. Le géologue identifiera donc bien cette roche sur le terrain et pourra l’étudier à l’œil nu même si un passage à plus petite échelle pourra être intéressant.
Dans la roche volcanique ci-contre, quelques minéraux sont bien visibles et identifiables à l’œil nu, il s’agit d’olivine (vert) et de pyroxène (noir). Le reste correspond à une « pâte » de cristaux microscopiques qui devront être identifiés à une autre échelle pour comprendre cette roche.


Dans la roche métamorphique ci-contre, aucun minéral n’est identifiable à l’œil nu. Pour comprendre la constitution de cette roche et son origine, le géologue devra nécessairement regarder la roche à plus petite échelle. Il s’agit d’une quartzite à fuchsite.
L'observation au microscope optique
Le microscope optique permet au géologue d’identifier des minéraux et d’observer des structures soit difficilement visibles, soit invisibles à l’œil nu. La lumière ne se propage pas de la même façon à travers tous les minéraux, ce qui permet de les différencier et d’observer des teintes et des textures parfois très spectaculaires et qui en disent long sur l’histoire géologique des roches.
Voici quelques exemples de ce que permet de faire l’observation au microscope optique :

Cette lame mince de roche volcanique du Chili (rhyolite) montre de beaux cristaux de biotite (brun clair et foncé) contenant des inclusions (grains noirs et blancs) invisibles à l’œil nu. Ce niveau d’observation révèle aussi une texture fluidale marquée par les alternances de verre (parties fibreuses) et de bulles liées aux gaz volcaniques (parties blanches difformes).

Cette roche du manteau terrestre (péridotite), majoritairement constituée d’olivine, a été déformée à l’état solide (déformation plastique) comme en témoignent les bandes plus ou moins sombres qui traversent les cristaux. Ces déformations, invisibles à l’œil nu, sont liées à des mouvements dans le manteau qui sont en lien avec la tectonique des plaques.


Cette roche de très haute température montre que le pyroxène (minéral vert très clair en bas de l’image) a réagi pour former une couronne de réaction vert-kaki composée d’amphibole. Ce pyroxène contient aussi des lamelles d’oxydes noirs formées pendant cette réaction. Selon le type de réaction, le géologue peut déterminer des pressions, donc des profondeurs, et des températures d’équilibre de cette roche.

La même roche que précédemment, mais vue sous un autre type de lumière qui exploite les propriétés optiques des cristaux, montre que la grande plage incolore correspond à plusieurs cristaux d’un même minéral comme l’indique son aspect en code-barres caractéristique du feldspath plagioclase.

Cette roche a subi une altération hydrothermale très poussée comme le montrent les réseaux de petites veines qui traversent les cristaux. L’étude de ce type d’échantillon permet de mieux comprendre l’altération des roches à petite échelle.
Cristal de zircon (ZrSiO 4) mesurant 0,2 mm de long, donc invisible à l’œil nu. Le microscope optique permet de le repérer et de voir sa structure interne qui renseigne sur ses conditions de formation, ici magmatiques. Le zircon est généralement utilisé pour des datations ce qui laisse souvent un petit trou circulaire comme visible en bas à gauche du cristal.

L'observation au microscope électronique
Les processus géologiques comme la formation des chaînes de montagnes ou la tectonique des plaques impliquent des objets et des mécanismes microscopiques, invisibles à l’œil nu et même au microscope optique. Les microscopes électroniques permettent des grossissements environ 1000 fois plus importants que le microscope optique et d’atteindre le nanomètre (1 nm = 1 m / 1 000 000 000) voire l’échelle atomique pour les plus performants.

Les gneiss d’Acasta font partie des plus vieilles roches terrestres, avec un âge d’environ 4 milliards d’années. On y observe une alternance de micas (sombre) et de feldspaths plagioclase (clair) à une échelle inférieure au micromètre.
Expérience de fusion d’une roche dans les conditions de la Terre, à 1500 km de profondeur, soit à une pression de 600 000 bar et une température de 3000°C. Reproduire de telles pressions est possible en laboratoire grâce à la cellule à enclumes de diamant où un échantillon miniaturisé, de quelques dizaines de micromètres, est comprimé entre deux petits diamants.


Météorite tombée dans le Sahara et découverte en 1997. Elle s’est formée au début du Système Solaire, il y a environ 4.5 milliards d’années. On y observe des grains micrométriques à nanométriques d’enstatite (clair), de sulfure de fer et de fer (sombre).
Dislocations dans un cristal d’olivine déformé. L’olivine est l’un des principaux minéraux de la Terre et sa déformation concourt à la tectonique des plaques. Les dislocations, visibles sous la forme de lignes claires, sont des imperfections dans la structure cristalline. Elles sont la conséquence de la mise sous contrainte de cette olivine et ont permis sa déformation.


Imperfection (dislocation) dans la structure cristalline d’une monazite. La monazite est un minéral qui incorpore naturellement des éléments radioactifs comme le thorium ou l’uranium. Leur désintégration au cours du temps est utilisée tel un sablier pour déterminer l’âge des roches.

Cristal de magnétite (oxyde de fer) dans une météorite martienne. A gauche, observation à l’échelle atomique. A droite, comparaison avec la structure cristallographique théorique où les atomes de fer sont en jaune et les atomes d’oxygène sont en rouge.