- L’Abbé René Just Haüy
- Cristaux : des petites aux grandes échelles
- Propriétés et intérêt des cristaux pour la Science
L’Abbé René Just Haüy (1743-1822)
L’un des fondateurs de la cristallographie géométrique
Né le 28 février 1743 à Saint-Just-en-Chaussée (Oise). Mort le 03 juin 1822 à Paris. Issu d’une famille modeste, ses parents, Just Haüy et Madeleine Candelot, sont de simples tisserands de toile de lin. Son frère, Valentin, est célèbre pour avoir fondé la première école pour les aveugles.
René Just vécut des périodes charnières : d’abord, le Siècle des Lumières, où les cabinets de curiosités sont très appréciés. C’est la période qui voit l’émergence de la minéralogie, nouvelle science dédiée à l’étude de la nature et de la forme des cristaux. Puis les périodes troublées de la Révolution française.

Dans la nature il n’y a rien d’absolu, rien de parfaitement régulier
Les faces cristallines ne doivent rien au hasard
Son parcours
Après ses études à Paris, il est ordonné prêtre en 1770. Il devient régent au collège du Cardinal Lemoine où il se lie d’amitié avec Charles Lhomond (1727-1794) qui lui fait découvrir la botanique. En fréquentant le Jardin du Roi (Jardin des Plantes), il suit les cours de minéralogie de Daubenton (1716-1800). Il se consacre dès lors à la Science.
Admis à l’Académie des Sciences comme associé-botaniste en 1783, il est incarcéré pendant la Révolution française comme prêtre réfractaire en août 1792 car il refuse de prêter serment à la Nouvelle Constitution Civile du Clergé. Il échappe de peu à la peine capitale, contrairement à ses codétenus ; relâché, car considéré comme « utile à la Science », il reste cependant privé de la plupart de ses moyens jusqu’à sa mort.
Haüy suit une riche carrière dans l’enseignement supérieur et la recherche :- 1793 Membre de la Commission des poids et mesures,
- 1794 Professeur de physique à l’École Normale de l’an III,
- 1795 Conservateur des collections, puis professeur de cristallographie à l’École des Mines. Il entre à l’Institut de France.
- 1800 Il enseigne au Muséum National d’Histoire Naturelle, puis, en 1808 à l’École Normale Supérieure.
- 1809 Il obtient le titre de Chanoine Honoraire de Notre-Dame de Paris, avant d’occuper la Chaire de minéralogie, créée pour lui à la Faculté des Sciences de Paris.
- 1822 Il est inhumé, en compagnie de son frère, Valentin Haüy au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.
- Essai d’une théorie sur la structure des cristaux appliquée à plusieurs genres de substances cristallisées (1783).
- Exposition raisonnée de la théorie de l’électricité et du magnétisme, d’après les principes d’Æpinus (1787).
- Traité de minéralogie (5 vols, 1801)
- Traité de physique (1803)
- Traité des caractères physiques des pierres précieuses (1817)
- Traité de cristallographie (2 vols, 1822)

Ses travaux marquants
En 1793, il détermine, en collaboration avec Antoine Lavoisier, la nouvelle unité de masse, connue sous le nom de kilogramme, pour la Commission des poids et mesures de l’Académie des Sciences.
Haüy montre que la forme des cristaux résulte de l’empilement de petits volumes de matière qu’il nomme molécules intégrantes.
Dans un geste de maladresse chez un de ses amis, il laisse tomber un cristal de calcite, de forme rhomboédrique parfaite.

René Just observe alors que les fragments du cristal brisé présentent la même morphologie extérieure que le cristal de départ. Répétée de multiples fois (souvent critiqué pour avoir fracturé de nombreux cristaux), l’expérience parvient toujours à la même conclusion : la conservation de la forme. Il en déduit donc qu’il existe une brique élémentaire (molécule intégrante) qui donne la forme générale des cristaux, considérés comme des empilements de briques élémentaires.

Sa théorie est mise à mal après sa mort et ce pendant plusieurs décennies. C’est un de ses élèves, Gabriel Delafosse (1796-1878), qui substitue le concept des mailles cristallines à celui de molécules intégrantes, maintenant abandonné. Le concept des mailles cristallines permet d’expliquer la disposition périodique et ordonnée des atomes dans les cristaux.

Tout au long de sa carrière, René Just a décrit une quarantaine d’espèces minérales. L’importante collection de minéraux de l’abbé Haüy a été vendue par ses héritiers au duc de Buckingham, mais elle a été rachetée en 1848, par le gouvernement de la Seconde République et déposée au Muséum.
- C’est en hommage à René Just Haüy que le minéralogiste Tønnes Christian Bruun Neergaard décrit en 1807 une nouvelle espèce minérale, l’haüyne. L’haüyne fait partie des feldspathoïdes (sous-groupe des tectosilicates).
- Sur les 72 savants inscrits par Gustave Eiffel sur le bandeau du premier étage de la Tour Eiffel, le nom d’Haüy représente la minéralogie. Il est le 13ème sur la face tournée vers le sud.
- Stèle édifiée à l’endroit de la maison natale des deux frères. Elle est en éclogite (en grec « roche de choix »), nom crée par René Just.

Na3 Ca Al3 Si3 O12(SO4)- © COLL.LMV-UCA


Cristaux
des petites aux grandes échelles

Selon Pythagore certains nombres sont associés à une forme géométrique. Les empilements d’objets en carré ou en cube sont à l’origine des termes de « nombres au carré » ou « au cube ».

William Henry et William Laurence Bragg réalisent de nombreuses mesures avec leur diffractomètre et déterminent la structure atomique de nombreux cristaux comme celles du sel (NaCl) et du diamant.


Les formes cristallines ne doivent donc rien au hasard, chacune est une caractéristique, propre à chaque corps chimique solide. Dans la lignée des travaux de Bravais, Georges Friedel observe un grand nombre de cristaux naturels et démontre que la fréquence d’apparition d’une face est liée à sa densité en noeuds du réseau et donc à la structure intime du cristal.
Au début du 20ème siècle, sans « voir » dans le cristal, les cristallographes ont donc déjà développé une connaissance expérimentale et théorique des cristaux.

Certains cristaux forment des groupes aux formes surprenantes : en croix, en flèche, en étoile, en aile de papillon... L’association des cristaux formant ces groupes ne doit rien au hasard. Ce sont des macles qui prolongent la géométrie du cristal. Une macle est une association géométrique de deux cristaux suivant une règle de symétrie cristalline (miroir, rotation) qui n’appartient pas au cristal.
Chaque macle est associée à une pseudo-symétrie du cristal :



Un même atome mais différentes couleurs
Pour ces différents cristaux contenant du Plomb, la couleur change suivant l’état chimique (on dit la valence) des liaisons des atomes de Plomb.




Propriétés et intérêt des cristaux pour la Science
Cultivez les cristaux !

Les propriétés spécifiques des cristaux en font des matériaux clés dans de très nombreux domaines technologiques (électronique, communication, énergie, médical, défense…).
Pour tous ces domaines, il est primordial de disposer de cristaux avec des propriétés, tailles et qualités appropriées.
La croissance cristalline est devenue un enjeu technologique majeur.
Cristaux, messagers de l'intérieur de la Terre et du Système Solaire
Les ondes sismiques produites lors d’un tremblement de terre traversent différemment les couches successives de la Terre et donnent accès à une information essentielle : leur densité. Il reste à découvrir les matériaux qui ont ces densités.
Pour connaître les couches profondes de notre planète nous « cultivons » aussi des cristaux. Ils sont cultivés dans les mêmes conditions que dans les profondeurs de la Terre.

La température et la pression s’accroissent au fur et à mesure que l’on descend, avec pour conséquence une augmentation de la densité et une modification des matériaux. Les zones de stabilité des cristaux sont confrontées aux différentes couches de la Terre, mises en évidence par les ondes sismiques.

Avec l’augmentation de la profondeur, l’olivine se transforme en wadsleyite, puis ringwoodite, des polymorphes de structures atomiques différentes mais ayant des compositions chimiques similaires.

Une transition brutale à 670 km de profondeur produit la bridgmanite, aussi appelé perovskite (Mg,Fe)SiO3 et le ferropériclase. Toutes deux adoptent des structures idéalement compactes.
La grande famille des matériaux carbonés
Les membres de la grande famille (appelés allotropes) ont des structures proches mais différentes. C’est le cas des structures du diamant et du graphite formés d’hexagones de carbone plans ou déformés. C’est aussi le cas des nouveaux membres de cette famille, découverts récemment, ils peuvent :
- former des nano-ballons de football ou de rugby !
- former de tubes extrêmement petits,
- former des feuilles extrêmement minces …
Certains de ces matériaux carbonés pourraient avoir des applications en nanoélectronique.

